TRIBUNE : Il faut remettre l’usine au milieu du village
La crise des Gilets jaunes n’a pas trouvé son origine dans l’entreprise, ou à cause d’elle, comme c’est le cas habituellement dans les conflits sociaux. Les revendications des manifestants portent essentiellement sur le pouvoir d’achat et les inégalités, et ciblent les pouvoirs publics, rendus responsables de la détérioration du partage de la valeur, via l’excès de fiscalité dont notre pays détient le record au sein des pays industrialisés.
Nous, chefs d’entreprises industrielles, dénonçons également depuis longtemps le trop-plein de prélèvements obligatoires et de normes qui grève notre compétitivité. Partant de ce constat, nous voulons saisir l’opportunité du grand débat national pour convaincre que l’industrie est une solution centrale aux défis posés. Parce que l’industrie crée de la richesse et de la croissance, par ses innovations et ses exportations, sans lesquelles aucune progression du pouvoir d’achat ni aucune réduction des inégalités n’est possible.
Mais elle fait mieux que cela, elle est ancrée dans les territoires et offre du travail au plus près des bassins de vie. Avec ses emplois induits, c’est l’arme anti-chômage par excellence : quand elle disparaît du paysage, la réaction en chaîne du déclin se met en place et éloigne le travail, raréfie l’emploi et renchérit les déplacements.
Le gouvernement a pris de bonnes décisions en diminuant les charges et en lançant la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage pour réduire le chômage. De notre côté, nous améliorons notre fonctionnement collectif, avec la création de filières industrielles dans lesquelles grands groupes, PME et ETI travaillent ensemble sur des axes d’amélioration.
Impôts de production. Mais beaucoup reste à faire. Notre balance commerciale, très déficitaire dans le contexte d’une mondialisation agressive, illustre le caractère vital pour l’industrie de l’amélioration de sa compétitivité sur les coûts. D’où la nécessité absolue que l’État, après l’étape de rattrapage du CICE, fixe une trajectoire de baisse d’un tiers, d’ici 2022, des impôts de production qui sont plus élevés de 70 milliards d’euros par rapport à l’Allemagne, dont 16 pour l’industrie. Ce différentiel nous pénalise gravement. Ce problème majeur, lié au caractère insupportable de notre dépense publique, doit être traité.
Depuis 2016, début de la reprise de l’activité industrielle après des années de désindustrialisation, l’industrie va mieux, même si la situation reste fragile. Le grand débat est une occasion unique de faire connaître les atouts de l’industrie qui recrute et qui forme. Loin des idées reçues, l’industrie crée des emplois bien rémunérés et peine à recruter les 250 000 personnes dont elle a besoin chaque année d’ici 2025, alors que la France compte 2,5 millions de chômeurs ! L’industrie d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle du passé, elle est toujours plus respectueuse de l’environnement et se digitalise à grande vitesse : l’industrie du futur est déjà là. Le débat latent sur le partage de la valeur ne doit pas occulter qu’il faut d’abord la créer avant de la répartir, et que l’industrie permet une véritable territorialisation de la valeur. 2019 doit être « l’année de l’industrie ». Osons dire qu’il faut remettre l’usine au milieu du village !
par Philippe Varin, Président de France Industrie