[la Tribune.fr] innover et réindustrialiser : jamais sans le CIR !
La Tribune.fr publie la tribune co-signée par : Alexandre Saubot – Président de France Industrie, Clarisse Angelier – Déléguée générale de l’ANRT, Jean-Christophe Lourme – Président de l’ASRC, Jean-Luc Beylat – Président d’ABG et Pôle Systematic en régions, Philippe Bouquet – Président du Comité Richelieu, Laurent Tardif – Président de la FIEEC, Jérôme Bille – Délégué général de France Innovation et Jean-Luc Brossard – Co-Président de la commission Numérique & Innovation du MEDEF.
« OPINION. Alors que les États-Unis multiplient les mesures pour renforcer leur attractivité industrielle, la réduction du crédit impôt recherche (CIR), envisagée dans le cadre des discussions budgétaires, inquiète la communauté scientifique et économique française. Face à une concurrence internationale féroce, affaiblir ce dispositif risquerait d’aggraver le retard de la France en matière d’innovation, compromettant ainsi sa réindustrialisation et son autonomie stratégique.
Alors que les États-Unis s’apprêtent à baisser encore les charges des entreprises pour attirer davantage d’industriels sur leur sol, la réduction du CIR qu’envisagent les parlementaires dans le cadre de la discussion budgétaire menace de compromettre la capacité de R&D de notre pays.
C’est pourquoi la communauté de la recherche et de l’innovation française alerte les pouvoirs publics sur les risques graves que ferait peser un affaissement du crédit impôt recherche (CIR) dans la compétition mondiale quand les États-Unis disposent déjà d’une capacité d’innovation qui surpasse largement le continent européen comme l’a très bien montré le rapport Draghi.
Dans ce débat sur le CIR, on oppose fréquemment les grands groupes aux PME. Or, l’équipe France de R&D se compose de l’ensemble du tissu industriel. La déstabilisation de la R&D des grandes entreprises, dont les capacités de mouvement vers des pays étrangers plus attractifs est immédiate, aurait un impact tout aussi immédiat sur les PME. Car notre tissu industriel s’articule entre donneurs d’ordre et sous-traitants, y compris en matière d’innovation. Il faut savoir qu’au sein des grands groupes internationaux, la compétition pour capter la R&D dans une partie du monde plutôt qu’une autre fait rage. Les groupes français n’y échappent pas. Les grandes entreprises françaises, bien que fortement internationalisées, localisent surtout leur recherche en France. Cet effet d’amplification d’investissement et des effectifs de R&D – domiciliée en France – est grandement facilité par le CIR actuel. Le dispositif permet le maintien des centres de recherche partout sur le territoire en les adossant au tissu industriel régional pour produire à terme plus d’innovations d’avenir qui sont les fruits des efforts de R&D.
La part de la valeur ajoutée de l’industrie en France n’a cessé de décroître entre 1960 et 2020, passant de 30 à 13 %, mais avec une stabilisation ces deux dernières années. On loue les vertus de la réindustrialisation, mais on feint d’ignorer qu’elle s’appuie absolument sur les nouvelles technologies, que ce soit en termes d’usage ou de production.
La France, comme l’Europe d’ailleurs, doit poursuivre sa transformation en matière de capacité de recherche et de transfert de cette recherche vers le marché, pour son propre bénéfice. L’affaissement du crédit impôt recherche ne sera pas linéaire. Il entraînera des pans entiers d’activité et des zones géographiques dans une spirale négative.
Le CIR n’est pas une solution à la carte
Il faut bien comprendre que le CIR constitue un levier global qui perd de son efficacité si on l’ampute de certains morceaux essentiels. Nous pensons ici aux rabots envisagés sur les frais généraux, les brevets, la normalisation ou encore sur les jeunes docteurs. Sur ce dernier point, la France risque de manquer davantage de scientifiques de haut niveau formés à la recherche si elle n’inverse pas la tendance. Les États-Unis comme la Chine, voire l’Inde, ont compris que la formation pour la recherche dopait l’innovation et que pour ça, elle nécessite un investissement massif. Ces pays leaders de l’innovation ont également compris que les dépôts de brevet contribuent pleinement à la souveraineté technologique. Ils sont aussi pour leurs entreprises la promesse de redevances sur des innovations d’avenir. Les brevets font donc partie intégrante de la R&D et le CIR doit continuer à inciter les PME à en déposer toujours plus.
Nous en appelons à l’esprit de responsabilité des décideurs politiques. Nous les exhortons à mesurer pleinement l’impact de leurs décisions sur l’emploi, la réindustrialisation, le maintien de la vitalité de nos territoires, la sauvegarde d’une capacité d’anticipation scientifique et d’une autonomie stratégique.
La France, il y a une trentaine d’années, a fait le choix de réduire sa production pour concentrer ses efforts sur sa capacité à imaginer des services à forte valeur ajoutée. Notre pays a laissé se dégrader la part de l’industrie dans la richesse nationale. Cela a eu pour conséquence d’aboutir à un socle industriel sous-critique pour anticiper sa transformation.
De grâce, évitons de reproduire les mêmes erreurs du passé en réduisant encore notre capacité de recherche et développement quand nous misons depuis plusieurs années sur nos laboratoires académiques et privés. Gardons-nous de déstabiliser le CIR. Épargnons-le au contraire pour investir davantage dans l’innovation et réindustrialiser la France. »
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(*) Signataires :
ANRT : Clarisse Angelier, Déléguée Générale
ASRC : Jean-Christophe Lourme, Président
ABG et Pôle systematic : Jean-Luc Beylat, Président
Comité Richelieu : Philippe Bouquet, Président
FIEEC : Laurent Tardif, Président
FI : Alexandre Saubot, Président
France Innovation : Jérôme Bille, Délégué général
MEDEF : Jean-Luc Brossard, co-Président de la commission Numérique & Innovation